Si Sally Hawkins ne s’habille pas dans la vie en guirlande de Noël comme son personnage de Poppy dans Be Happy (en salles ce jour), elle partage quand même son optimisme poussif. Vêtue de noire mais non sans un sourire constant, je l'ai rencontrée au Dublin Film Festival en février. Son amour de la vie est si grand qu'à côté, MGMT passe pour The Cure.
Tu as déjà joué deux fois pour Mike Leigh, n’y a-t-il pas une routine qui s’installe quand vous travaillez ensemble ou est-ce toujours une expérience surprenante ?
C’est vrai que maintenant je sais comment il travaille. On se comprend mutuellement mais il n’empêche qu’il est toujours différent. Je suppose que cela dépend des situations, des personnages et de l’exploration de différentes choses sur la nature. Mike Leigh est un personnage en changement continuel, il va toujours plus loin. Il aime lancer des défis à lui-même mais aussi aux gens avec qui il travaille, il y a donc toujours quelque chose à découvrir avec lui. Autrement ce serait ennuyeux ! Travailler avec lui demande toujours beaucoup d’investissement, c’est intense, mais c’est du réel plaisir. Tu apprends toujours beaucoup sur toi-même, sur les gens et la vie quand es avec lui.
Est-ce qu’il a crée le personnage de Poppy spécialement pour toi ?
Non, nous l’avons inventé ensemble. C’était un processus complètement collaboratif : il n’y avait pas de scénario, il ne connaissait pas le film, il en savait autant que moi au départ. C’est terrifiant mais aussi très libérant. Et même si c’est effrayant, Mike est le réalisateur et peux imaginer que ce doit être mille fois pire pour lui de ne pas savoir. Il se met en danger et cela peut très bien marcher ou échouer, on ne sait jamais.
C’est ce qui est si incroyable avec Mike Leigh car il se met dans une position compliquée mais tous ses films fonctionnent, ils sont formidables. C’est un homme très intelligent mais il est aussi vulnérable que n’importe quel être humain.
Je suis persuadée qu’il avait une idée de où il voulait aller mais il ne me l’a pas dit.
Donc tu ignorais tout de Poppy ?
Oui, car c’est ainsi qu’il travaille, nous découvrons ensemble. Mike commence avec un rien, la graine d’une idée. Il savait qu’il voulait dépeindre le portrait de quelqu’un aux frontières de l’humour, du fun, des paillètes, de l’amour de la vie, un personnage dénué de méchanceté avec aussi de la compassion. Poppy a un fond magnifique et c’est agréable d’incarner ce genre de personnage.
Mais il y a aussi d’autres choses qui font sa personnalité et Mike m’a poussé lentement dans certaines directions qu’il voulait explorer. Il partait de sensations et je travaille aussi à partir d’impressions. C’est donc avancer un peu à l’aveugle car tu ne sais pas comment tout va se terminer. Et un jour tu ouvres les yeux et tu es Poppy. Après six mois, tu es arrivé quelque part, c’est fascinant.
A force d’être toujours très optimiste tu n’avais pas peur de paraître un peu niaise ?
Je ne me rendais pas compte de comment elle serait perçue. Mon travail est seulement d’être Poppy. C’est comme dans la vie, tu ne sais pas comment les gens te perçoivent je pourrais être incroyablement niaise et ne pas m’en rendre compte à moins qu’on me le dise. Si je suis honnête envers mon personnage, si je fais bien mon travail, alors je ne m’inquiète pas de comment il va être jugé. Si ca me pose un problème, c’est que je ne fais pas mon métier. C’est à Mike de s’inquiéter de ca. Je fais juste Poppy et si elle semble niaise je n’y peux rien. C’est juste Poppy !
Qu’est ce que tu n’aimes pas en Poppy, la jugerais-tu ?
Non, je ne peux pas ! Si je commence à juger, je ne suis plus dans l’instant. Je suis trop consciente de ce que je fais et je ne suis plus dans le rôle. Mon trop-de-moi-même fait irruption et ce n’est pas ce pour quoi je suis payée. C’est un danger parfois dans ce travail. Mais travailler avec Mike Leigh me donne justement cette liberté d’être seulement mon personnage.
Etait-ce la même démarche quand tu as travaillé avec Woody Allen ?
J’ai eu la chance de commencer à travailler avec Mike très tôt, il m’a donné ma première expérience au cinéma avec All Or Nothing, qui m’a permis de me faire connaître.
J’ai cette discipline qui me colle la peau maintenant et j’en tire un maximum dans tout ce que je fais. Je ne peux pas m’en empêcher. Je n’ai pas eu la chance de travailler avec Woody Allen pendant six mois comme je l’ai fait avec Mike. Woody Allen travaille d’une façon très différente, il atteint quelque chose d’assez spontané et instinctif.
Tous les réalisateurs sont différents, ils ont une vision de la vie différente et donc une façon de travailler qui diffère. La façon que Mike a de travailler est celle qui me convient. J’essaie d’appliquer sa discipline dans d’autres domaines. Mais je me demande parfois si je devrais compter sur son aide ou pas, ça c’est autre chose. Si j’agis ainsi alors que tous les réalisateurs ont leur façon personnelle de travailler, est-ce une bonne chose ?
Comment s’est passé le tournage des scènes de leçon de conduite très intenses avec Eddie Marsan ?
Eddie est un acteur formidable. La nature de son personnage est compliquée car il est dans un espace très sombre. Des caméras lipstick étaient accrochées dans la voiture et nous roulions dans les rues. Nous n’avions pas à nous inquiéter d’un écran bleu, nous ne devions pas faire semblant. Nous étions là, nous conduisions vraiment, répondant à ce qui se passait autour de nous, on en oubliait les caméras. Rien n’a été rajouté ensuite. C’est pour cela que cela est si authentique, je n’aimerais pas que cela soit autrement. Il n’y a pas d’intérêt dans une scène avec un écran bleu.
As-tu de bons souvenirs de ton propre moniteur de conduite ?
Oh oui, rien à voir avec Scott !
C’est malheureux mais les gens optimistes sont si rares qu’on se demande s’ils ont une tumeur ou s’ils sont drogués. Voir un personnage comme Poppy peut même être assez dérangeant dans notre société. Ca t'inspires quoi ?
Comme tout le monde Poppy essaie juste de s’accommoder de la vie. Nous avons tous nos problèmes et parfois la vie a son lot de surprises. La vie peut être dure, mais la plupart des gens s’en débrouillent et c’est exactement cela, le personnage de Poppy. Mais tu as raison, c’est bizarre de voir ce personnage à l’écran. C’était génial de jouer Poppy, il y a un malentendu comme quoi les personnages les plus intéressants sont les plus misérables. Mais chacun est fascinant pour ses propres raisons. La vie est fascinante. Et Mike examine la vie et les gens, il a cette extraordinaire habilité à explorer chacun. J’adore cet aspect, elle a un total amour de la vie et des gens et c’est vraiment rafraichissant à voir. On ne voit pas souvent cela, surtout dans un rôle principal car il y a toujours une recherche de douleur et de souffrance.
Penses-tu que l’optimisme de Poppy est une façon lâche ou courageuse d’éviter la violence qui l’entoure ?
Elle a une très bonne vision de la vie, je pense qu’elle est incroyablement forte. Pour être pris au sérieux, tu dois toujours prendre la vie avec gravité et je pense que c’est une méprise. Je suis plus intéressée par les gens qui ont un regard lumineux et sont positifs, appréciant l’amour et les gens. Je respecte les gens qui oublient leur ego et qui peu importe ce qui se passe, sont capable de donner et sourire. C’est un vrai respect pour la vie, car la vie est un cadeau, même si ca sonne comme un cliché ! C’est peut-être la chose la plus niaise à dire, mais même si tu ne te sens pas de le faire, c’est toujours bon de sourire. Un sourire ouvre des portes et peut toujours aider.